L’hydrologie avec un SIG, pour les nuls (que nous sommes): calcul de l’écoulement(1)

Une citation pour débuter l’article:
« De la même manière que le manuel d’un traitement de texte ne vous apprend pas à écrire une nouvelle ou un poème ou qu’un tutoriel de CAO ne vous montre pas comment calculer la taille d’une poutre pour un bâtiment, ce guide ne vous apprendra rien sur l’analyse spatiale. A la place, il vous montrera comment utiliser l’environnement des Traitements QGIS qui est un outil puissant pour réaliser des analyses spatiales. Il est de votre responsabilité d’apprendre les concepts qui seront indispensables à la compréhension de ce type d’analyses. Sans eux, vous n’arriverez pas à utiliser l’environnement et ses algorithmes même si vous pouvez être tenté de le faire. » (Documentation QGis)

Dans cette série d’articles, on ne va pas essayer de vous apprendre l’hydrologie. Nous allons juste ouvrir quelques portes qui restent, le plus souvent fermées. Si cela ne vous apprend pas l’hydrologie, au moins nous espérons glisser le doute sur ce que vous faites, doute qui vous permettra d’apprendre (si vous le souhaitez).

Dans les articles consacrés au calcul des bassins versants (ArcHydro : détermination des bassins versants d’un territoire (1), ArcHydro : détermination des bassins versants d’un territoire (2)) vous pourrez remarquer que la base de pratiquement tous les calculs que nous avons fait est la couche des directions d’écoulement (Flow direction)

Cette couche constitue l’élément clé de l’analyse hydrologique. De nombreuses alternatives existent, chacune d’elles ayant ses avantages et ses inconvénients. Les expliquer en détail prendrait trop de temps, et nous allons simplement présenter les idées qui sont intéressantes d’un point de vue pratique, afin que vous puissiez avoir une idée de la différence d’utiliser une méthode ou une autre.

Fondamentalement, les méthodes peuvent être divisés en deux groupes: celles qui considèrent le flux comme un déplacement entre les centres des cellules et celles dans lesquelles les flux se déplacent «librement» dans le MNT (algorithmes « Flow tracing »). Celles du premier groupe sont en relation avec la méthode D8 (la plus ancienne et la seule que vous trouverez dans ArcGis), tandis que celles du deuxième sont plus complexe et son utilisation est plutôt restreinte.

Une autre classification peut être faite séparant celles qui considèrent un flux unidimensionnel (communément appelés algorithmes de direction d’écoulement unique) et ceux qui considèrent un écoulement bidimensionnel (algorithmes de direction d’écoulement multiple). En d’autres termes, les premier considèrent que l’écoulement d’une cellule se fait sur une, et une seule, autre cellule, tandis que les deuxièmes considèrent que l’écoulement peut se faire sur plus d’une cellule contiguë de la cellule considérée.

Pour rester sur des logiciels connus, nous allons voir les différentes options proposées par QGis, sachant que sous ArcGis il n’y a pas de choix possible. D’autres méthodes peuvent être utilisées par des logiciels spécifiques au calcul hydrologique.

Avec QGis, vous avez les choix entre 8 méthodes de calcul de la direction d’écoulement:

  • Déterministe 8 (D8): La méthode classique, implémentée dans ArcGis. Le flux va du centre d’une cellule jusqu’au centre d’une (et seulement une) des cellules environnantes. Les directions de flux sont donc limitées à des multiples de 45 °, ce qui est la raison principale des inconvénients de la méthode. (O’Callaghan, J. F. y Mark D.M. The extraction of drainage networks from digital elevation data. Computer
    Vision, Graphics and Image Processing 28: 323–44. 1984
    ).
  • Rho8: Comme la précédente, mais avec une composante stochastique qui devrait améliorer les résultats. Le sens de circulation est déterminée par un argument aléatoire qui dépend de la différence entre l’orientation (« aspect ») et la direction des deux cellules voisines adjacentes. (Fairfield, J.; Leymarie P. Drainage networks from grid digital elevation models. Wat. Resour. Res. 27(5):709–717, 1991).
  • Déterministe infinie (D∞): Le flux passe d’une cellule à deux cellules environnantes contiguës, constituant ainsi un écoulement bidimensionnel, ce qui permet de résoudre les inconvénients de la méthode D8. (Tarboton, D.G.; Shankar, U. (1998), The Identification and Mapping of Flow Networks from DigitalElevation Data, Invited Presentation at AGU Fall Meeting, San Francisco, 1998).
  • Braunschweiger Digitales Reliefmodell: Un autre algorithme de direction de flux multiple. L’écoulement est divisé entre la cellule environnante dont l’orientation est la plus proche de l’orientation (« aspect ») de la cellule centrale et de ses deux cellules adjacentes. (Bauer, J.; Rohdenburg, H.; Bork, H.-R. Ein Digitales Reliefmodell als Vorraussetzung fuer ein deterministisches Modell der Wasser- und Stoff-Fluess, Landschaftsgenese und Landschaftsoekologie, H.10, Parameteraufbereitung fuer deterministische Gebiets-Wassermodelle, Grundlagenarbeiten zu Analyse von
    Agrar-Oekosystemen, (Eds.: Bork, H.-R.; Rohdenburg, H.), p.1–15, 1985).
  • FD8 : un algorithme de calcul d’itinéraire d’écoulement bidimensionnel dérivé du D8. (Quinn, P.F.; Beven, K.J.; Chevallier, P.; Planchon, O.; The prediction of hillslope flow paths for distributed hydrological modelling using digital terrain models, Hydrological Processes, 5: 59–79. 1991).
  • algorithme de routage cinématique (KRA). Un algorithme d’écoulement de flux unidimensionnel. L’écoulement se comporte comme une balle qui roulerait sur le MNT, sans restreindre sa position au centre des cellules. (Lea, N. L. An aspect driven kinematic routing algorithm. En Parsons, A. J.; Abrahams, A. D. Overland Flow: Hydraulics and Erosion Mechanics, New York, Chapman & Hill. 1992).
  • Réseau Modèle Numérique de Terrain (Network DEMON): Le plus complexe. Un algorithme de traçage de flux bidimensionnel. Très gourmand en temps de calcul (Costa-Cabral, M. C.; Burges,S. J. Digital elevation model networks (DEMON): A model of flow over hillslopes for computation of contributing and dispersal areas. Wat. Resour. Res. 30: 1681–92. (1994)).
  • Le meilleur moyen de les comparer c’est de les appliquer tour à tour sur le même terrain et voir le résultat du calcul du flux d’écoulement.

    Pour cela, nous allons utiliser QGis et son module de traitements. Pour beaucoup d’utlilisateurs de QGis, ce module est inconnu, car dans les versions précédentes il fallait l’activer pour qu’il soit accessible. A partir de la version 2.6 il est installé par défaut. Voilà comment y accéder.
    ouverture de la fenêtre traitements de QGis
    Et voilà comment ça se présente;
    fenêtre traitements de QGis

    Cette fenêtre permet de lancer des traitement extérieurs à QGis. Nous allons utiliser les traitements disponibles dans SAGA pour illustrer le calcul du flux d’écoulement.

    Pour mieux les comparer, au lieu de les appliquer à un terrain plus ou moins complexe, nous allons les appliquer à un MNT fictif correspondant à une semi-sphère.
    mnt fictif pourt tester les méthodes de calcul de l'écoulement

    Nous allons donc calculer les directions d’écoulement sur ce terrain. Afficher les directions de chaque cellule ne nous apporterait pas grand chose, par contre afficher le résultat de l’accumulation de flux est beaucoup plus parlant. Cette couche découle du calcul des directions d’écoulement et montre le nombre de cellules amont pour chaque cellule du raster.

    Si vous souhaitez faire vous-même les test, vous pouvez télécharger le mnt de test en cliquant ici.

    Première méthode : D8

    C’est la méthode utilisée par ArcGis et ArcHydro. Le flux est calculé selon la pente la plus importante entre la cellule considérée et ses 8 cellules contiguës.
    C’est donc un flux unidimensionnel: toute l’eau de la cellule passe vers une et une seule autre cellule.

    Dans QGis vous utiliserez, dans la fenêtre de traitements-> SAGA -> Terrain analysis-Hydrology -> Catchment area (parallel)

    commande de calcul pour la méthode D8

    Parmi les différentes couches résultat, celle qui nous intéresse c’est la couche « catchment area ». Voici le résultat pour cette méthode:

    flux d'écoulement calculé avec la méthode D8

    Etant donné que nous sommes sur une semi-sphère, le flux d’écoulement devrait être homogène. Par contre on voit bien que le fait de n’avoir que des options séparées par 45° (d’une cellule on ne peut que aller vers une des 8 directions correspondantes aux 8 cellules contiguës) introduit un biais en créant des zones d’accumulation forte dans ces directions (0°,45°,90°,…)

    Dans le prochain article nous verrons les résultats pour les autres méthodes de calcul.

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